Actualité du droit des entreprises en difficulté : quoi de neuf au cours du premier trimestre 2022 ?

Cet article dresse un panorama des principaux évènements de ce début d'année 2022 en droit des entreprises en difficulté. Outre la jurisprudence, les plus significative en la matière, il présente brièvement les réformes en cours et à venir en lien avec le droit des entreprises en difficulté, qu'il s'agisse du nouveau statut de l'entrepreneur individuel ou du nouveau titre exécutoire.

I. Les réformes

A. La ratification de la réforme du livre VI

Un projet de loi a été préparé pour demander la ratification des ordonnances n° 2021-1192 et 2021-1193 du 15 septembre 2021 sur la réforme du droit des sûretés et sur la modification du livre VI du code de commerce. Le directeur des affaires civiles et du Sceau avait annoncé fin janvier, lors des entretiens de la sauvegarde, que ce projet de loi ne serait pas mis à l'ordre du jour avant les élections. En effet, cette réforme sera sans doute complétée à cette occasion (v. proposition de loi ratifiant, modifiant et complétant l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce, Doc. Sénat, n° 170, 16 nov. 2021 ; projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 sept. 2021 portant réforme du droit des sûretés et l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 sept. 2021 portant modification du livre VI du code de commerce, Doc. Sénat, n° 326, 5 janv. 2022).

B. La réforme des sûretés

1. Publicité des mesures d'inaliénabilité

Il n'est évidemment pas question ici d'entrer dans le détail de cette réforme mais de signaler une innovation intéressante parmi d'autres : au 1er janvier 2023, la publicité des mesures d'inaliénabilité d'un bien en procédure collective sera mentionnée sur le nouveau registre des sûretés mobilières, en précisant la durée de cette mesure et l'aptitude du bien à être déplacée (Décr. n° 2021-1887 du 29 déc. 2021, art. 1er et 3 ; JO 30 déc. ; C. com., art. R. 521-1 nouv., art. R. 626-25 et R. 642-12 mod.).

2. modification du calendrier

Un récent décret du 25 janvier 2022 a modifié la date d'abrogation de la publicité des nantissements de l'outillage du matériel d'équipement (Décr. n° 2022-245, 25 févr. 2022, JO 6 févr.). Désormais, les dispositions relèvent des articles 2336 et suivants du code civil.

Un précédent décret n° 2021-1888 du 29 septembre 2021, édicté suite à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés avait abrogé les dispositions réglementaires et les dispositions sur ce type de nantissement demeuraient valables jusqu'au 31 décembre 2022.

Le décret d'application du 25 février 2022 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire précise que cette inscription des gages, des stocks et nantissements de l'outillage et du matériel d'équipement, constituée jusqu'au 31 décembre 2021 produit ses effets, alors même qu'elle a été effectuée après cette date (Décr. n° 2022-245 du 25 févr. 2022, JO 26 févr.). Il faut se référer pour cela à l'article 2 du décret modifiant l'article 7 du décret du 29 décembre 2021. La clarté n'y trouve pas son compte mais ce repêchage pourra apparaître bienvenu, compte tenu des incertitudes qui subsistaient.

C. Le nouveau statut de l'entrepreneur individuel

La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 (JO 15 févr.) a créé un nouveau statut de l'entrepreneur individuel distinguant son patrimoine personnel de son patrimoine professionnel. Quelques points saillants méritent d'être signalés :

• en premier lieu, à partir du 15 février 2022, le statut d'EIRL ne pourra plus être adopté en affectant à l'activité professionnelle un patrimoine séparé du patrimoine personnel. Cependant, si le patrimoine affecté a déjà été constitué, une affectation ou un retrait restent possibles ;

• la défaillance de l'entrepreneur individuel est prévue par cette loi et les modifications entrent en vigueur dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi du 14 février 2022, soit le 15 mai 2022. Les dispositions concernant le livre VI du code de commerce ne s'appliqueront pas aux procédures en cours à cette date. Le nouveau statut s'appliquera aux créances nées après le 15 mai 2022.

Désormais, le patrimoine professionnel est séparé de plein droit du patrimoine personnel, dès lors qu'il s'agit de biens, droits, obligations et sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes. Ce patrimoine ne peut être scindé. Il existe donc pour deux patrimoines, deux actifs et deux passifs. Précisons que les dispositions concernant notamment l'insaisissabilité de droit de la résidence principale restent valables (C. com., art. L. 526-22, al. 4 nouv.). L'entrepreneur pourra accorder aux créanciers de son activité professionnelle, des garanties sur son patrimoine personnel, en renonçant par exemple à l'insaisissabilité légale dont il jouit. En outre, sur demande écrite d'un créancier, l'entrepreneur pourra renoncer à la séparation des patrimoines en sa faveur sur un engagement spécifique déterminé ou déterminable et respectant des formes prescrites par décret. Bien entendu, l'administration fiscale pourra aussi mettre la main sur les deux patrimoines en application de l'article L. 26-24 nouveau. Si le créancier souhaite engager une procédure d'exécution, elle ne concernera que les biens sur lesquels il dispose d'un droit de gage (CPCE, art. L. 161-1).

Surtout, si le débiteur est un entrepreneur individuel, c'est le tribunal de la procédure collective qui devra être saisi, le tribunal de commerce étant compétent pour un entrepreneur individuel exerçant une activité commerciale ou artisanale et le tribunal judiciaire dans les autres cas. Le tribunal de la procédure collective appréciera les conditions d'ouverture de la procédure collective mais aussi celle de la procédure de surendettement, ce qui est nouveau. C'est ce tribunal qui connaîtra les contestations relatives sur la séparation des patrimoines du débiteur (C. com., art. L. 681-2, V).

A priori, seul le patrimoine professionnel sera appréhendé par la procédure collective du livre VI, si les conditions d'ouverture du surendettement ne sont pas réunies (C. com., art. L. 681-2, I et II). Si les conditions d'ouverture de la procédure de surendettement sont aussi réunies, la procédure collective appréhendera les deux patrimoines. Le texte prévoit différentes hypothèses et notamment l'ouverture de deux procédures ou d'une procédure unique sur le patrimoine personnel. Plusieurs règles seront respectées :

• si l'entrepreneur individuel est soumis à une procédure collective, il ne pourra modifier son patrimoine professionnel en le diminuant (et cela jusqu'à la fin des opérations du plan). Tout acte passé en violation sera annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public dans un délai de trois ans (C. com, art. L. 681-2, VI) ;

• l'entrepreneur individuel en liquidation judiciaire pourra exercer une nouvelle activité professionnelle et un nouveau patrimoine professionnel sera constitué sans être concerné par la procédure ouverte, ce qui est nouveau (C. com., art. L. 681-2, VII). Auparavant, l'entrepreneur individuel en liquidation judiciaire devait exercer une activité salariée.

Cependant, il ne pourra pas en bénéficier s'il a déjà fait l'objet depuis moins de cinq ans d'une autre procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif ou une clôture d'un rétablissement professionnel.

Le liquidateur pourra avoir accès à un autre patrimoine de l'entrepreneur (C. com., art. L. 642-22) si cela facilite la réalisation des actifs du patrimoine saisi.

Les règles du rétablissement professionnel sont modifiées si l'entrepreneur individuel est titulaire de plusieurs patrimoines, le seuil de 15 000 € sera déterminé en prenant en compte l'ensemble de ses patrimoines (C. com., art. L. 645-1). En outre, cette procédure ne pourra être ouverte en cas d'instance prud'homale en cours, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines. Les dettes grevant un patrimoine dont la situation n'est pas irrémédiablement compromise ne pourront être effacées (C. com., art. L. 645-11). En outre, aucune dette ne peut être effacée si le montant du passif total est disproportionné au regard de la valeur de l'actif, biens insaisissables de droit non compris (C. com., art. L. 645-11, al. 3). Ceci pose la question de mettre fin au rétablissement professionnel pour ouvrir une liquidation judiciaire (sur le détail de ces mesures, v. P. Roussel Galle, Le nouveau statut de l'entrepreneur individuel in bonis ou en difficulté, Veille permanente Éditions Législatives, 25 févr. 2022).

Nous signalons aussi l'article intéressant et complet publié dans Dalloz actualité par Xavier Delpech le 1er mars 2022. Cet article indique que la loi du 14 février 2022 cantonne les effets des dispositions du livre VI du code de commerce aux seuls éléments du patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel en attribuant compétence au tribunal saisi de la procédure collective pour connaître des contestations relatives à la consistance du patrimoine professionnel. Si les conditions d'ouverture d'un surendettement sont réunies, le tribunal renvoie devant la commission de surendettement qui ouvrira la procédure adaptée. La passerelle entre la commission de surendettement et le tribunal est ainsi établie avec une communication entre ces deux juridictions (C. com., art. L. 681-3).

D. Le nouveau titre exécutoire

La loi n° 2021-1729 pour la confiance dans l'institution judiciaire du 22 décembre 2021 (JO 23 déc. 2021) a modifié la liste de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution. Il est à présent prévu que sont exécutoires les transactions et les actes constatant un accord issu d'une médiation, d'une conciliation ou d'une procédure participative, lorsqu'ils sont contresignés par les avocats de chacune des parties et revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente, ce qui est effectif depuis le 24 décembre 2021. Dans ce cas, chaque partie doit être représentée par un avocat distinct et le greffier devra effectuer un contrôle en apposant la formule exécutoire et en vérifiant la compétence territoriale et matérielle. Ce recours à l'acte contresigné n'est pas obligatoire.

La question pourrait être posée d'un cumul avec le processus de constat ou d'homologation prévu en matière du livre VI sur les protocoles établis à l'issue d'une conciliation prévue par les articles L. 611-4 et suivants du code de commerce. Rappelons que le constat est prévu à l'article L. 611-8 et c'est le président du tribunal, sur requête conjointe des parties, qui constate l'accord et lui donne force exécutoire. Il semble bien que le processus du code des procédures civiles d'exécution ne soit pas applicable en cette matière, compte tenu, notamment, de la confidentialité et du fait que le président du tribunal statue au vu d'une déclaration du débiteur attestant qu'il ne se trouvait pas en cessation des paiements lors de l'accord, ou que celui-ci y met fin. En ce qui concerne l'homologation par le tribunal, le président doit vérifier que les conditions requises à l'article L. 611-8, II sont établies.

E. Le feuilleton du prêt garanti par l'État

Ce prêt garanti par l'État (PGE), qui était inséré dans des limites très strictes, n'en finit plus de s'étendre, tant il est apparu évident que ce dispositif devait être prolongé sous certaines conditions. Rappelons qu'environ 700 000 PGE ont été accordés aux entreprises depuis deux ans pour un total d'environ 145 milliards d'euros.

Le 4 janvier 2022, notre ministre des Finances a déclaré que les entreprises qui connaîtront des difficultés pour le rembourser pourront réétaler leur PGE sur une durée de dix ans avec un nouveau différé de six mois pour commencer à rembourser. Cette procédure sera coordonnée par le médiateur du crédit sur demande de l'entreprise, et il sera possible de saisir ce médiateur à cette fin à partir du 15 février 2022 dans le cas d'une procédure non judiciaire, gratuite et confidentielle.

Dans le cadre d'un mandat ad hoc, il sera aussi possible de solliciter le médiateur du crédit pour une prolongation, même au-delà de six ans. Ainsi, comme cela était possible depuis l'été dernier, une entreprise pourra restructurer son PGE en faisant ouvrir une procédure de prévention ou une procédure collective, ou dans le cadre d'un accord amiable en faisant appel au médiateur. La garantie de l'État sera maintenue. À cet égard, un accord de place a été signé le 19 janvier 2022 entre le ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance, la médiation du crédit à la Banque de France et la fédération bancaire française. Le médiateur du crédit pourra donc être saisi pour les PGE ne dépassant pas 50 000 €, le chef d'entreprise devant être muni d'une attestation de son expert-comptable ou de son commissaire aux comptes, après accord de la banque. Le médiateur du crédit pourra proposer d'orienter l'entreprise vers le conseiller départemental de sortie de crise lorsqu'il apparaîtra qu'une procédure serait appropriée.

Pour les PGE de plus de 50 000 €, l'entreprise devra saisir le conseiller départemental de sortie de crise qui orientera l'entreprise vers le médiateur du crédit ou vers une procédure préventive auprès des tribunaux. Différentes conditions sont requises et notamment, l'absence d'un état de cessation des paiements, lorsqu'il s'agit d'une simple médiation. Si un état de cessation des paiements existe, le dispositif légal demeure avec l'obligation de déclarer l'état de cessation des paiements dans un délai de quarante-cinq jours, soit pour demander une conciliation, soit pour demander l'ouverture d'une procédure collective. L'accord de restructuration ne peut être conclu qu'avec l'accord unanime de l'entreprise, des créanciers bancaires et financiers et le médiateur du crédit est signataire de l'accord, lorsqu'il intervient. Le médiateur doit s'assurer que l'accord présente un effort équilibré de tous les créanciers.

Bien entendu, il existe un débat sur l'incidence du réétalement d'un PGE sur la cotation Banque de France. À cet égard, la Banque de France a déclaré dans sa newsletter dès le 21 mars 2020, que les incidents de paiements ne donneraient pas lieu à une décote automatique, compte tenu de la crise de la covid.

Nous renvoyons ici aux lettres explicatives précieuses de monsieur Michel Di Martino (Informations consulaires 39, notes d'information nos 132 et 134, avec cette citation : « Signalons à cet égard l'inquiétante obligation de constater un cas de défaut lorsqu'existe un arriéré de paiement de plus de quatre-vingt-dix jours, lorsque la restructuration d'un crédit provoque une variation de plus de 1 % des flux de remboursement avec une dégradation de la cotation ; v. décision n° 2021-C-23 du 28 juin 2021 du règlement UE n° 575/2013 annexe art. 178, l'article 178, 2nd, précisant « sauf si des circonstances particulières démontrent que l'arriéré est dû à des causes non liées à la situation du débiteur ».

II. Jurisprudence

A. La cessation des paiements

Un arrêt récent (Com. 12 janv. 2022, n° 20-21.427, Dalloz actualité, 1er févr. 2022, obs. B. Ferrari ; Veille permanente Éditions Législatives, 26 janv. 2022, obs. M.-H. Monsérié ; D. 2022. 69 ; Rev. sociétés 2022. 190, obs. P. Roussel Galle ) indique que l'omission volontaire de déclarer la cessation des paiements dans le délai de quarante-cinq jours doit s'apprécier au regard de la date d'ouverture de la procédure collective. La Cour de cassation considère qu'il faut vérifier que dans les quarante-cinq jours qui précèdent l'ouverture, le chef d'entreprise ne pouvait pas ignorer la cessation des paiements. Dans cette affaire, il n'avait pu payer la part patronale des cotisations sociales ni la TVA et, surtout, n'avait pu payer les salaires dans les quatre mois précédant l'ouverture de la procédure collective. La cour d'appel avait considéré que le dirigeant n'avait pas conscience de la cessation des paiements à la date à laquelle avait été reportée la date de cessation des paiements du débiteur. La cour a cependant considéré que, dès lors que les défaillances de paiement constatées précédaient le délai de quarante-cinq jours prévu par l'article L. 653-8, alinéa 3, du code de commerce, le dirigeant ne pouvait ignorer la date de cessation des paiements. Par ailleurs, la Cour de cassation juge qu'en cas d'appel par le ministère public d'un jugement ouvrant une liquidation judiciaire et après réformation de ce jugement par un arrêt ouvrant un redressement judiciaire, la cour d'appel ne peut fixer une date de cessation des paiements antérieure de plus de dix-huit mois à celle de son arrêt qui constitue la seule décision d'ouverture (Com. 12 janv. 2022, n° 20-16.394, Dalloz actualité, 31 janv. 2022, obs. B. Ferrari ; D. 2022. 69 ; Rev. sociétés 2022. 186, obs. P. Roussel Galle ; RTD com. 2022. 150, obs. A. Martin-Serf ). Le délai de dix-huit mois doit en effet être calculé à compter de la décision de la cour d'appel qui constitue la seule décision d'ouverture, car ce délai ne doit pas être dépassé.

Dans son avis du 8 février 2022 (n° 2022-01), le Conseil national de l'Ordre des experts-comptables (CNOEC) fournit des précisions sur la définition de l'état de cessation des paiements en refusant de proposer un modèle universel de comptes ou de postes à inclure ou à exclure. Il évoque également les stocks et les créances, qui ne peuvent pas être pris en considération dans l'actif disponible. Quant aux emprunts et dettes de nature financière, ils ne doivent pas être exclus du passif exigible s'il s'agit de dettes à moyen ou long terme. De même évoque-t-il la possibilité de prendre en compte dans l'actif disponible une ligne de crédit non utilisée, une autorisation de découvert bancaire… Il faut en effet être vigilant sur la constatation d'une défaillance qui permet de classer le prêt en prêt non performant, ce qui a des conséquences défavorables pour la banque en application des accords « Bâle II ». Agnès Bricard, présidente d'honneur du CNOEC, précise que la banque devra effectuer une déclaration de défaut auprès de la Banque de France, ce qui implique que l'entreprise ne pourra bénéficier d'une meilleure note que la cote 4. Cet avis mérite d'être pris en compte.

B. Les sûretés

1. Le transfert des sûretés dans l'acte de cession et la publicité des sûretés

Le transfert des sûretés dans le cadre d'un plan de cession ne concerne que les sûretés réelles et les privilèges publiés (C. com., art. L. 642-12 ; Com. 15 déc. 2021, n° 17-28.020, Veille permanente Éditions Législatives, 3 févr. 2022, obs. P. Roussel Galle). Dans cette affaire, la charge de certains emprunts avait été transférée et la seconde société qui avait repris les actifs a été mise en liquidation judiciaire. Les juges du fond avaient condamné les cautions à payer la banque et les cautions prétendaient avoir été déchargées de leur engagement. Cependant, l'acte de cession n'avait pas à mentionner les cautionnements dans la rubrique « transfert légal de la charge des sûretés », dès lors que l'article L. 642-12 ne concerne que les sûretés réelles et les privilèges publiés. Dès lors, la volonté de la banque de renoncer aux cautions n'était pas démontrée et la banque pouvait se prévaloir des actes de cautionnement.

2. La caution et le débiteur solidaire

a) L'action en responsabilité de la caution à l'encontre du prêteur, fondée sur la disproportion de son engagement et sur celle de l'emprunteur en cas de défaut de mise en garde se prescrit par cinq ans. En ce qui concerne l'obligation d'information annuelle des cautions, le manquement reproché à la banque à ce titre s'analyse-t-il en une défense au fond sur laquelle la prescription n'a pas d'incidence ou comme une véritable demande soumise à prescription ? La Cour de cassation considère qu'il s'agit d'une demande qui devait être jugée irrecevable car elle était prescrite (Com. 5 janv. 2022, n° 21-17.325, Veille permanente Éditions Législatives, 27 janv. 2022, obs. F. Reille). Il s'agissait en l'espèce d'une caution mariée sous le régime de la séparation de biens. Doit-on prendre en compte pour apprécier la disproportion, la quote-part que la caution détient sur un immeuble indivis entre elle et son mari ? La cour d'appel avait répondu par la négative, estimant que ce bien commun n'entrait dans son patrimoine, compte tenu de la séparation des biens, l'épouse n'ayant pas donné son accord à la caution. Le bien indivis n'est pas un bien commun. Or la Cour de cassation considère que la quote-part indivise doit être prise en compte dans les biens et revenus personnels (Civ. 1re, 19 janv. 2022, n° 20-20.467, Dalloz actualité, 31 janv. 2022, obs. C. Hélaine).

b) Un arrêt du 9 février 2022 (Com. 9 févr. 2022, n° 19-21.942, Dalloz actualité, 17 févr. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 277 ) considère que l'obligation de la sous-caution naît à la date à laquelle le débiteur principal contracte ces dettes, ce qui voit naître l'obligation de garantie de la caution. La Cour de cassation considère que l'obligation de la sous-caution garantit la caution contre le risque de ne pas pouvoir obtenir du débiteur principal le remboursement des sommes qu'elle a payées pour son compte en exécutant son engagement de caution. Peu importe donc la date de l'exigibilité des sommes demandées et le fait que les paiements ont été effectués par la caution après l'expiration de la période de couverture de l'engagement de la sous-caution. C'est à la date à laquelle le débiteur principal a contracté ces dettes qu'il faut se situer.

c) Les effets de la clôture pour insuffisance d'actif à l'égard du débiteur solidaire : en principe, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire a pour conséquence de priver le créancier de son action contre le débiteur soumis à la procédure. Cependant, la créance continue d'exister et l'époux commun en biens, codébiteur solidaire de l'emprunteur en liquidation judiciaire ne peut invoquer l'interdiction de reprendre les poursuites. Rappelons que cette libération du passif est prévue à l'article L. 643-11 du code de commerce. Cet article pose un principe du non-recouvrement des créances, sauf certaines exceptions, limitativement énumérées. L'épouse codébitrice solidaire du remboursement de prêt ne peut donc bénéficier de cette libération : c'est la solution qui a été retenue par un arrêt du 2 février 2022 (Com. 2 févr. 2022, n° 20-18.791, Dalloz actualité, 16 févr. 2022, obs. B. Ferrari ; D. 2022. 278 ). La cour répond en effet que l'époux codébiteur solidaire ne peut bénéficier de cette interdiction de reprendre les poursuites en raison de sa qualité de débiteur tenu d'une obligation distincte.

d) Que se passe-t-il en cas de disparition du fonds de commerce ? Il s'agissait en l'espèce d'une pharmacie qui avait cessé son activité. La société civile immobilière (SCI) propriétaire de l'immeuble avait en effet été expropriée pendant l'exécution du plan de continuation et un nouveau fonds de commerce avait été acquis permettant la reprise de l'activité. La caution considérait qu'elle était déchargée du fait de l'arrêt de l'activité de la pharmacie. La pharmacie était à jour du paiement des dividendes prévus sur le plan et la cour a rejeté la demande de résolution formée par la caution (Com. 2 févr. 2022, n° 20-20.199, Dalloz actualité, 18 févr. 2022, obs. B. Ferrari ; D. 2022. 277 ; Rev. sociétés 2022. 189, obs. F. Reille ). Le plan ayant été respecté et l'activité transférée, la caution demeurait tenue de son engagement.

C. Conséquences de l'annulation de la décision administrative d'homologation d'un plan de licenciement

À l'occasion d'une liquidation judiciaire, des salariés licenciés avaient demandé des indemnités à la suite de l'annulation de la décision d'homologation du document unilatéral élaboré par les administrateurs judiciaires. Ils avaient obtenu une réparation de six mois de salaires prévue par l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail. En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour inobservation des critères d'ordre, la Cour de cassation a considéré que le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement était déjà réparé par l'indemnité allouée en application de cet article, et dès lors, il ne pouvait être indemnisé une seconde fois (Soc. 16 févr. 2022, n° 20-14.969, Dalloz actualité, 17 mars 2022, obs. J. Cortot ; Veille permanente Éditions Législatives, 22 févr. 2022, obs. M. Morand ; D. 2022. 400 ).

D. Les mentions du bordereau Dailly

Un arrêt récent est venu préciser les mentions qui doivent figurer sur le bordereau de cession de créance professionnelle, dit bordereau Dailly. Le juge du fond doit rechercher que le bordereau comporte la désignation et l'individualisation des créances cédées. Un arrêt de censure a été rendu car la Cour de cassation a considéré que la cour d'appel n'avait pas relevé ces mentions. Le caractère de cession Dailly est donc refusé au document, dès lors qu'une des mentions prévues par l'article L. 313-23 du code monétaire et financier fait défaut. Dans cette affaire, il s'agissait de l'exécution d'un marché avec des situations successives. La seule créance qui était exigible était la première situation et le montant pouvait être cédé. Le débiteur cédé s'était vu demander par la banque le règlement du montant total du marché et avait formulé un pourvoi : sa demande a donc été accueillie (Com. 19 janv. 2022, n° 20-14.619). Précisons qu'en l'espèce, il s'agissait de la rédaction antérieure au 27 juin 2013 de l'article L. 313-23 de ce code.

E. Quelques nouveautés fiscales

Nous savons qu'un dirigeant peut être déclaré responsable des dettes fiscales de la société. Une liquidation judiciaire était intervenue et le comptable public avait demandé que le gérant soit déclaré solidairement responsable de la dette fiscale de la société en application de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales. Il s'agissait d'une dette de TVA impayée sur trois années. L'arrêt d'appel a retenu que le dirigeant était nécessairement responsable des inobservations graves et répétées des obligations fiscales reprochées et l'arrêt d'appel avait considéré que les inobservations avaient rendu impossible le recouvrement de la dette par l'administration. La Cour de cassation a censuré l'arrêt d'appel en décidant que ces motifs sont insuffisants. L'arrêt aurait dû en effet caractériser « d'une manière concrète la responsabilité personnelle du dirigeant pendant l'exercice effectif de son mandat social ». Ainsi, il semble bien que la répétition des inobservations des obligations fiscales ne soit pas un élément suffisant, le pourvoi ayant reproché à l'arrêt d'appel d'avoir retenu le seul montant de la dette de la société pour déclarer le gérant solidairement responsable, cette dette ayant atteint un montant de 353 805 €. La motivation doit donc être plus complète pour justifier ce type de condamnation (Com. 19 janv. 2022, n° 19-25.888).

Sur la responsabilité fiscale du dirigeant, un autre arrêt du même jour (Com. 19 janv. 2022, n° 19-18.560) est venu préciser que le gérant d'une société en procédure collective ne peut être déclaré solidairement responsable du paiement de la dette fiscale de la société qu'il dirige, que dans la mesure où le recouvrement auprès du débiteur principal est définitivement impossible. Or, dans cette affaire, le liquidateur avait engagé une action en responsabilité à l'encontre d'un tiers et la décision n'était pas rendue. Il fallait donc attendre l'issue de cette procédure.

Nous devons également signaler aussi la loi n° 2021-1900 de finances pour 2022 du 30 décembre 2021 (JO 31 déc.) qui dispose dans son article 130, III, que les conditions d'effacement de remise et de rééchelonnement des dettes fiscales sont alignées sur celles qui s'appliquent aux dettes sociales, et cela à partir du 1er janvier 2022. Désormais, l'administration fiscale ne peut se voir imposer un rééchelonnement ou un effacement sans son accord (dettes fiscales visées à l'art. L. 711-4, 4°, C. consom. et sanctions visées à l'art. 1756, II, CGI sur les sommes dues en cas de mise en œuvre de la solidarité au paiement des droits fraudés, en application de l'art. 1745 du CGI) et cela concerne aussi la solidarité des dirigeants de société (LPF, art. L. 267). En cas de surendettement du débiteur, le consentement de l'administration fiscale sera requis. Cet alignement se place dans le cadre du renforcement continu des droits de l'administration fiscale dont les prérogatives ne cessent de s'étendre, à l'aune de l'augmentation de la pression fiscale qui ne se dément pas depuis de nombreuses années.

 

Par Georges Teboul

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