Les nouveaux objectifs de l'assurance multirisques récolte après la loi d'orientation

La loi pose les bases d'un système universel de gestions des risques pour assurer une meilleure protection des exploitants agricoles et ouvre le chemin à un train de décrets d'application et d'ordonnances

La loi d'orientation modifiant l'assurance multirisques des récoltes a été adoptée par le Parlement et publiée au Journal officiel du 3 mars 2022.

Elle a pour objectif de renforcer la résilience des exploitations agricoles françaises face au changement climatique en créant un système universel de gestion des risques, associant l'État et les organismes d'assurance et en encourageant la souscription des contrats d'assurance. Sur la période 2023-2030, les dépenses publiques résultant de ce nouveau système s'inscrivent dans une enveloppe financière annuelle de 600 millions d'euros.

La plupart des dispositions techniques résultant de cette loi d'orientation seront prises par décret ou par ordonnance pour une application prévue au 1er janvier 2023 (L. n° 2022-298, art. 1er). En cas de dommages aux récoltes résultant d'aléas climatiques survenant avant le 1er janvier 2023, ce sont les dispositions antérieures à la loi qui s'appliqueront. Les contrats d'assurance souscrits avant le 1er janvier 2023 pourront être mis en conformité avec la loi, si l'exploitant en fait la demande avant le 1er avril 2023. À défaut, le contrat sera mis automatiquement en conformité lors de son renouvellement et au plus tard dans l'année suivante. Si les conditions d'entrée en vigueur de la loi ne sont pas réunies au 1er janvier 2023, un décret pourra reporter cette date au 1er août 2023 (art. 17).

Possibilité de cumul indemnisations d'assurance et indemnisation publique

La souscription d'un contrat d'assurance récolte reste libre. En cas de dommages aux récoltes et cultures dus à des aléas climatiques, les exploitants agricoles sinistrés perçoivent une indemnité d'assurance si un contrat multirisques a été souscrit et, en outre, une indemnisation fondée sur la solidarité nationale. En cas de non-assurance, les exploitants perçoivent également une indemnisation basée sur la solidarité nationale (C. rur., art. 361-1, A, créé par L. n° 2022-298, art. 2).

Encouragement à la souscription des contrats

La souscription des contrats multirisques récoltes est encouragée. L'aide à la souscription est majorée et portée à un maximum de 70 % du montant des primes d'assurance, en cumulant les aides apportées par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) par l'Union européenne. Les contrats d'assurance concernés, ainsi que les récoltes assurées et susceptibles d'accéder à ces aides, seront déterminés par décret.

Les contrats d'assurance visés doivent comporter une franchise minimale de 20 % de la moyenne de la production annuelle de l'exploitant. Un décret fixera le niveau des franchises applicables, par type de contrat, par nature de production, ou bien des critères de surface minimale par contrat, en fonction des types de cultures (C. rur., art. L. 361-4 mod. par L. art. 3).

Les entreprises d'assurance pratiquant ces garanties doivent, pour bénéficier de ces aides, respecter un cahier des charges fixé par arrêté des ministres chargés de l'Agriculture et de l'Économie pris après avis d'une Commission chargée de l'orientation et du développement des assurances récolte (CODAR) (C. rur., art. L. 361-8 mod. par L. art. 8).

Indemnisation du FNGRA

Le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) participe à l'indemnisation des pertes de récoltes et de cultures résultant d'aléas climatiques lorsque ces pertes sont supérieures à des seuils fixés par décret, après avis de la CODAR, en fonction des types de cultures et des contrats. Ces seuils ne peuvent être inférieurs à 30 % de la production moyenne annuelle de l'exploitant.

Pour les exploitants assurés et bénéficiant des aides à la souscription d'indemnisation, le FNGRA complète donc celle perçue au titre de leur contrat. Cette indemnisation complémentaire peut être directement versée par leur assureur, pour le compte de l'État.

Pour les exploitants non assurés, l'indemnisation FNGRA représente une part seulement de celle perçue en moyenne par les exploitants subissant les mêmes pertes et assurés à ce titre.

L'indemnisation peut être versée par l'État ou par un réseau d'interlocuteurs agréés. Les référentiels d'indemnisation et les méthodes d'évaluation des pertes sont identiques pour les assurés et les non-assurés (C. rur., art. L. 361-4-1, créé par L. art. 4).

Lorsque l'indemnisation des pertes est fondée sur un ou plusieurs indices et qu'elle est contestée par l'assuré, l'organisme chargé de l'indemnisation transmet le dossier, d'une part, à un « comité des indices » dépendant du ministre de l'Agriculture, de l'autre, à la CODAR, qui statuent sur l'opportunité de réévaluer l'indemnisation, voire les indices.

Pour les autres cas de contestation des indemnisations par l'exploitant, une contre-expertise doit être réalisée. Un décret en fixera les conditions d'application (C. rur., art. L. 361-4-2, créé par L. art. 5).

On trouve donc ainsi un système à trois niveaux :

• le premier niveau de pertes est à la charge de l'agriculteur : inférieur à 20 % des pertes ;

• le deuxième niveau est indemnisé par l'assureur, s'il y a contrat souscrit : dans une fourchette de 20 % des pertes jusqu'au niveau d'intervention du FNGRA, défini par un décret à paraître pour chaque production ;

• le troisième niveau est indemnisé par le seul FNGRA, à partir de son propre seuil d'intervention.

Création de la Commission d'orientation et du développement des assurances

Il est créé, au sein du Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA), une CODAR dont la composition sera déterminée par un décret à paraître. Les organisations syndicales représentatives des agriculteurs y seront représentées, ainsi que les entreprises d'assurance et l'État.

Remarque : contrairement aux autres dispositions de la loi, celle-ci entre en vigueur immédiatement. La CODAR sera donc opérationnelle dès la parution du décret, sans attendre le 1er janvier 2023.

Le rôle de la CODAR est notamment de formuler chaque année des recommandations au gouvernement sur les conditions générales de fonctionnement de l'assurance des récoltes (seuils, indemnisation, aides à l'assurance, etc.) après avoir auditionné les représentants des organismes d'assurance pratiquant l'assurance multirisques récolte (C. rur., art. L. 361-8 mod. par L. art. 8).

Après avis de la CODAR, les décrets fixant les seuils, les taux de subvention et les taux d'indemnisation sont pris pour une durée de trois ans (C. rur., art. L. 361-9, créé par L. art. 9).

Création à venir d'un groupement d'assureurs

L'article 12 de la loi habilite le gouvernement à agir par ordonnance pour :

• mettre à la charge des entreprises d'assurance qui pratiquent ces garanties des obligations de communication des données qu'elles détiennent à l'État. Les assureurs pourraient également avoir à partager de façon anonyme les données relatives à la sinistralité auprès d'une structure tierce. Celle-ci serait chargée de restituer l'ensemble de ces données à l'État et à l'ensemble des assureurs ayant participé, de mutualiser les risques assurés, d'élaborer une tarification technique commune, sans remettre en cause la liberté commerciale, d'exercer en commun des activités de réassurance des risques, de proposer des produits d'assurance à des conditions raisonnables, etc.

• encadrer les procédures d'évaluation et d'indemnisation des sinistres ;

• créer un groupement d'assureurs chargé en tout ou partie des obligations précédentes, auquel les entreprises d'assurance auraient l'obligation d'adhérer si elles proposent des contrats multirisques récolte subventionnés ;

• compléter les missions confiées à la Caisse centrale de réassurance (CCR) notamment en matière de réassurance, en définissant les modalités de contrôle et les sanctions applicables et en fixant les obligations déclaratives des exploitants non assurés.

Concernant les domaines ci-dessus décrits, le gouvernement dispose de six mois à compter de la promulgation de la loi pour prendre les ordonnances, soit jusqu'au 2 septembre 2022.

Pour chaque ordonnance, une loi de ratification devra être déposée devant le Parlement dans un délai de trois mois à partir de sa promulgation.

Application reportée en outre-mer

La présente loi ne s'applique pas en Guadeloupe, Martinique, Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon (L. art. 13). C'est en effet le fonds de secours pour l'outre-mer inscrit au budget de l'État qui agit dans ces territoires. Toutefois, le gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, avant le 4 mars 2024, toute mesure relative à ce fonds de secours et à déterminer les conditions dans lesquelles les exploitants concernés pourraient accéder au FNGRA (L. art. 14).

Dictionnaire permanent Assurances, 10 mars 2022

 

Par Georges Duval

L. n° 2022-298, 2 mars 2022, JO 3 mars

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