Retour sur la sanction des irrégularités relatives à l'avenant au crédit immobilier
En cas de renégociation du prêt, les modifications du contrat initial sont apportées sous la seule forme d'un avenant comprenant diverses informations sans que soit exigée la communication du taux et de la durée de la période.

Il est fréquent qu'un contrat de crédit immobilier fasse l'objet d'une renégociation (v. à ce sujet D. Legeais, Opérations de crédit, 2e éd., LexisNexis, 2018, nos 2061 s.).
L'article L. 313-39 du code de la consommation (anc. art. L. 312-14-1, issu de L. n° 99-532, 25 juin 1999, relative à l'épargne et à la sécurité financière, art. 115) prévoit à cet égard, en son alinéa 1er, qu'« en cas de renégociation de prêt, les modifications au contrat de crédit initial sont apportées sous la seule forme d'un avenant établi sur support papier ou sur un autre support durable » (sur la portée de cet avenant, v. Civ. 1re, 3 mars 2011, n° 10-15.152, Dalloz actualité, 14 mars 2011, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2011. 814, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2012. 840, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud
; ibid. 1908, obs. D. R. Martin et H. Synvet
; RDI 2011. 265, obs. H. Heugas-Darraspen
; RTD com. 2011. 402, obs. D. Legeais
).
L'alinéa 2 du même texte fixe, quant à lui, les informations devant être fournies au consommateur, sans toutefois que des sanctions soient prévues par le code, ce qui incite naturellement les emprunteurs à tenter d'obtenir la nullité de la stipulation d'intérêts en cas d'irrégularité affectant l'avenant. Encore faut-il, pour que la question se pose, que le professionnel ait véritablement manqué à ses obligations, comme en témoigne un arrêt rendu par la première chambre civile le 5 février 2020.
En l'espèce, le 20 août 2011, M. V… et Mme D… ont accepté une offre de crédit immobilier consentie par une banque, portant sur un prêt au taux nominal de 3,7 % et au taux effectif global de 4,66 %. Puis, par avenant du 30 septembre 2014, ratifié le 11 octobre de la même année, le taux nominal a été fixé à 3,25 % et le taux effectif global à 3,29 %. Les emprunteurs ont par la suite assigné la banque en nullité de la stipulation d'intérêts du prêt initial et de l'avenant.
La cour d'appel de Toulouse, dans un arrêt du 31 octobre 2018, a prononcé la nullité de la stipulation d'intérêt figurant à l'avenant au contrat de crédit immobilier, au motif qu'il ne satisfait pas, à la différence de l'offre de crédit, à l'obligation de communication du taux et de la durée de la période.
La décision est cassée au visa de l'article L. 312-14-1, devenu L. 313-39, du code de la consommation : la Cour de cassation rappelle qu'« aux termes de ce texte, en cas de renégociation de prêt, les modifications au contrat de prêt initial sont apportées sous la seule forme d'un avenant.
Cet avenant comprend, d'une part, un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance le capital restant dû en cas de remboursement anticipé, d'autre part, le taux effectif global ainsi que le coût du crédit calculés sur la base des seuls échéances et frais à venir ».
Elle en conclut qu'« en statuant ainsi, alors qu'en cas de renégociation du prêt, les modifications du contrat initial sont apportées sous la seule forme d'un avenant comprenant diverses informations sans que soit exigée la communication du taux et de la durée de la période, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
Invoquant l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la première chambre civile statue ensuite au fond et rejette la demande en annulation de la stipulation d'intérêts fixée dans l'avenant.
La solution est parfaitement justifiée dans la mesure où, en effet, le texte n'exige nullement la communication du taux et de la durée de la période (v. D. Legeais, op. cit., n° 2065).
Le professionnel n'avait donc pas manqué à ses obligations. Toutefois, la question de la sanction de l'irrégularité de l'avenant reste entière. À ce sujet, il convient d'observer qu'à tort ou à raison, la Cour de cassation se refuse à appliquer la déchéance du droit aux intérêts sans le support d'un texte (v. par ex. Civ. 1re, 9 janv. 2019, n° 17-20.565, Dalloz actualité, 24 janv. 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 68 ; AJDI 2019. 632
, obs. J. Moreau, M. Phankongsy et O. Poindron
; RDI 2019. 440, obs. J. Salvandy
; AJ contrat 2019. 184, obs. J. Lasserre Capdeville
, en matière de regroupements de crédits).
Il est donc possible d'envisager la nullité de la stipulation d'intérêts (rappr. D. Legeais, op. cit., n° 2067 : « Envisageable, voire souhaitable, la sanction de la déchéance ne peut être retenue depuis que la Cour de cassation refuse d'étendre son domaine hors les cas visés par le code de la consommation.
La sanction de la nullité relative est donc celle qui devrait être retenue même si cette sanction est inadaptée. La solution manquerait également de cohérence puisque l'offre irrégulière est sanctionnée par la déchéance »).
Mais cela ne semble pas opportun pour deux raisons : d'une part, de la même manière qu'il n'y a pas de déchéance sans texte, il ne devrait pas y avoir de nullité sans texte (v. à ce sujet le dossier Pas de nullité sans texte, in RDC 2018/1, p. 121 s.).
D'autre part, le législateur a lui-même renoncé à consacrer une nullité dans l'hypothèse voisine d'une irrégularité affectant le taux effectif global, l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d'erreur du taux effectif global ayant généralisé la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l'emprunteur (v. à ce sujet J.-D. Pellier, L'harmonisation des sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d'erreur du taux effectif global, CCC 2019. Focus 43).
Il semble donc préférable de considérer que seule la responsabilité du prêteur peut être mise en œuvre (v. en ce sens Paris, pôle 5, ch. 6, 17 avr. 2019, n° 17/04785 : « En toute hypothèse, la violation de l'article L. 312-14-1 applicable aux avenants n'est pas sanctionnée par la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel, mais par la responsabilité de droit commun qui suppose la preuve d'une faute et d'un préjudice en lien de causalité avec cette faute » ; v. égal. Aix-en-Provence, 13 juin 2019, n° 18/13394 : « les irrégularités prétendues de l'avenant ne peuvent être sanctionnées par la déchéance du droit aux intérêts prévue, dans d'autres cas limitativement énumérés, par l'article L. 312-33 du code de la consommation. Elles ne relèvent que d'une action en paiement de dommages-intérêts […] »).
Par où l'on voit que le droit commun de la responsabilité civile peut également venir au secours des emprunteurs.
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