Rupture conventionnelle : violation du statut protecteur applicable à un salarié titulaire d'un mandat municipal
La rupture conventionnelle des maires et adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins qui n'ont pas cessé leur activité professionnelle devait, dans la version antérieure au 29 décembre 2019 de l'article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales, être autorisée préalablement par l'inspecteur du travail en raison de leur qualité de salariés protégés.

La question du régime de protection des salariés dotés d'un mandat extérieur à l'entreprise est souvent délicate à gérer pour les entreprises. D'abord, parce qu'elles peuvent ne pas être informées de l'existence du mandat. Aussi la jurisprudence a-t-elle déjà pu préciser que le salarié bénéficiant d'un mandat extérieur à l'entreprise ne peut se prévaloir de sa protection que si, au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, ou, s'il s'agit d'une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l'acte de rupture, il a informé l'employeur de l'existence de ce mandat ou s'il rapporte la preuve que l'employeur en avait alors connaissance. Ensuite, parce que la nature même du mandat extérieur peut prêter à interrogation quant à son régime de protection au regard des règles du code du travail. Tel était précisément le cas dans l'arrêt du 4 novembre 2020 présentement commenté.
En l'espèce, un salarié recruté comme technico-commercial, par ailleurs élu en qualité d'adjoint délégué au sport dans une municipalité de plus de 10 000 habitants, avait rompu la relation de travail qui l'unissait à son employeur par une rupture conventionnelle homologuée tacitement par la Direccte.
L'intéressé saisit les juridictions prud'homales d'une demande d'annulation de cette rupture conventionnelle pour absence d'autorisation de la Direccte malgré son statut de salarié protégé.
Les juges du fond firent droit à sa demande, de sorte que la société s'est pourvue en cassation.
Pour l'entreprise en effet, la qualité d'adjoint délégué au sport dans une commune n'est pas un mandat ouvrant droit au bénéfice de la protection prévue par le code du travail impliquant l'exigence d'une autorisation administrative préalable à la rupture du contrat, en lieu et place de la simple homologation de droit commun.
La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie de la question, va en partie valider le raisonnement de la cour d'appel en rappelant, sur le fondement du quatrième alinéa de l'article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015, que, lorsqu'ils n'ont pas cessé d'exercer leur activité professionnelle, les maires et les adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins sont considérés comme des salariés protégés au sens du livre IV de la deuxième partie du code du travail. Partant, elle en déduisit que la rupture conventionnelle des maires et adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins qui n'ont pas cessé leur activité professionnelle devait être autorisée préalablement par l'inspecteur du travail, de sorte que l'intéressé, justifiant d'un tel mandat, devait voir sa rupture conventionnelle faire l'objet d'une autorisation de l'inspection du travail.
Or homologation et autorisation ne relèvent pas du même contrôle, a fortiori lorsque l'homologation a été octroyée tacitement.
La solution apparaît sur ce point cohérente. Selon l'article précité du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015, les élus mentionnés étaient considérés comme des salariés protégés au sens du livre IV de la deuxième partie du code du travail à la condition qu'ils n'aient pas cessé leur activité professionnelle. L'exigence d'une autorisation de l'administration étant prévue dans la partie du code du travail citée par le code général des collectivités territoriales, il était prévisible que celle-ci s'applique également aux élus précités, sans pour autant qu'ils soient expressément repris dans la liste de l'article L. 2411-1 du code du travail. C'est aussi en harmonie avec la jurisprudence du Conseil d'État sur cette même question que tranche ici la chambre sociale, puisque la haute juridiction administrative avait également pu juger il y a peu que les salariés qui détenaient un mandat de maire, d'une part, ou d'adjoint au maire de communes de 10 000 habitants au moins, d'autre part, bénéficiaient d'une protection exceptionnelle en vue de la protection des mandats politiques qu'ils exercent, impliquant en particulier que leur licenciement ne puisse intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Un certain flottement avait pu naître au sein des juridictions du fond sur la possibilité d'étendre la procédure spécifique d'autorisation en matière de rupture conventionnelle au-delà des seuls cas expressément visés par le code du travail (v., pour une exclusion des candidats aux élections professionnelles du bénéfice de cette procédure spécifique, Paris 22 févr. 2012, n° 10/04217). Aussi cet arrêt vient-il en partie le dissiper en étendant la protection dès lors qu'un autre texte législatif renvoie expressément aux règles du code du travail en matière de protection contre la rupture du contrat, ce qui est précisément le cas de l'article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales.
Notons toutefois que, pour le cas particulier des élus municipaux visés à l'article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales, la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 est venue supprimer purement et simplement le dernier alinéa dudit article, qui leur octroyait expressément la qualité de salariés protégés. De sorte que la solution jurisprudentielle concernant cette catégorie d'élus n'a plus vocation, depuis le 29 décembre 2019, à s'appliquer. Cette récente suppression du statut de salarié protégé des maires et de leurs adjoints visés à l'article L. 2123-9 prête à interrogation. Elle s'opère en effet en contrepartie d'un certain nombre de mesures destinées à « reconnaître et renforcer les droits des élus » (titre V de la loi), dont la plus marquante est l'ajout à l'article L. 1132-1 du code du travail d'une protection contre les discriminations en raison de l'« exercice d'un mandat électif local », devenu depuis la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020, en raison de l'« exercice d'un mandat électif » quelconque. Si cette protection contre les discriminations peut également conduire à la nullité de la mesure prise en raison de ce mandat, force sera d'admettre paradoxalement que la protection est bien inférieure à celle qu'octroyait la version antérieure de l'article L. 2123-9 du code des collectivités territoriales. Imposer l'autorisation de l'inspection du travail impliquait en effet déjà que celle-ci vérifie que la rupture du contrat ne soit pas motivée par l'exercice du mandat dont était titulaire le salarié. Aussi faudra-t-il plutôt y voir un allégement des contraintes procédurales imposées à l'employeur plutôt qu'un véritable « renforcement » des droits des élus, en tout cas sur ce terrain particulier de la rupture du contrat de travail.
Les hauts magistrats ont toutefois conclu en cassant l'arrêt d'appel sur le second moyen. Était en effet reproché à la cour d'appel d'avoir condamné d'office l'employeur à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de deux mois d'indemnités.
La chambre sociale va rappeler sur ce point que si l'article L. 1235-4 du code du travail prévoit que le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé, cette sanction n'a vocation à s'appliquer que dans les cas prévus par l'article. Ainsi, le remboursement des indemnités de chômage ne pouvait-il pas être ordonné en cas de nullité du licenciement pour violation du statut protecteur puisque ce cas ne figurait pas parmi ceux évoqués par le texte.
Par Loïc Malfettes
Source : Soc. 4 nov. 2020, F-P+B, n° 19-11.865
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